Roman
Publié d’abord en feuilleton dans le Dublin University Magazine (1846), puis sous forme de livre (1847), Le Prophète noir est sans doute le plus connu des ouvrages qui composent ce qu’il est convenu d’appeler « la littérature de la famine ». William Carleton, en empruntant à la tradition « gothique » les traits propres à noircir encore une réalité tragique, y décrit les effets dévastateurs de la Grande Famine de 1845, et se fait le porte-parole d’un monde rural confronté à la perspective de son propre anéantissement. C’est donc à une traversée de ce monde qu’il convie son lecteur, en le plongeant d’emblée dans une Irlande de cauchemar où les éléments déchaînés semblent bien être la manifestation du courroux de Dieu contre ses créatures, où les paysages torturés ne montrent que champs dévastés, masures branlantes, lieux sauvages rendus plus effrayants encore par les histoires surnaturelles qui s’y rattachent.
L’intrigue, aussi noire que la période où elle se déroule, tourne autour de Donnel Dhu, le « Prophète noir », sorte de charlatan maléfique, type fréquent dans l’Irlande du xixe siècle. Un meurtre a été commis, aucun indice certain n’a pu mener au coupable, mais les soupçons pèsent depuis toujours sur la famille Dalton. Or, le meurtrier est Donnel Dhu… Autour de lui gravitent plusieurs personnages, grotesques et repoussants comme l’usurier Skinadre qui profite de la misère pour s’enrichir, émouvants et fragiles comme Mave Sullivan, pleins de feu et épris de justice comme Sally et Condy Dalton… Le drame personnel est l’image de la tragédie collective, tout comme Donnel Dhu, figure du mal, fermé jusqu’au bout à tout repentir, devient la figuration diabolique d’une catastrophe impitoyable.
William Carleton (1794-1869) était un écrivain et romancier irlandais. Il est surtout connu pour ses Traits and Stories of the Irish Peasantry, une collection de croquis ethniques de l'Irlandais stéréotypé.