Nouvelles
Femmes de sang est une réparation tardive.
Qui découvrirait une seule anthologie sur les goules chez les libraires les plus spécialisés ?
En voici enfin une, centrée sur ce thème fantastique qu’ont superbement ignoré les spécialistes, qu’ils soient français, allemands ou anglo-saxons. Pire : aucun chercheur ne s’est jamais penché sur le destin si peu ordinaire d’une créature si peu ordinaire.
Née en Mésopotamie, peaufinée par les écrivains arabes, la goule a pénétré en Occident au XVIIIe siècle, via la traduction des Mille et une Nuits, par Antoine Galland, qui a fixé ses caractéristiques une fois pour toutes : « Les goules sont des démons errant dans les campagnes. Elles habitent d’ordinaire les bâtiments ruinés, d’où elles se jettent par surprise sur les passants qu’elles tuent et dont elles mangent la chair. Au défaut des passants, elles vont, la nuit, dans les cimetières, se repaître de celle des morts qu’elles déterrent. »
Créature anthropophage et nécrophage, écœurante, dérangeante dans nos conceptions morales et religieuses, la goule ne pouvait attirer qu’un petit nombre d’écrivains. Qui pourrait citer un seul roman ou trois nouvelles de goules ?
C’est pourquoi cette anthologie est unique en son genre.
Le comble de ce mythe cabossé, c’est qu’il est déjà en train de mourir, implacablement remplacé par le zombi contemporain — qui a déjà dévoré le zombi folklorique. Femmes de sang « devait » paraître, ne serait-ce que sous forme d’une gerbe que l’on dépose sur une tombe. En fin de compte, la goule, faut-il la craindre ou la plaindre ?
Jacques Finné, né à Bruxelles, est écrivain, traducteur et critique littéraire, spécialiste de la démonologie et des récits fantastiques. Il est reconnu comme l'un des plus grands spécialistes européens de la littérature fantastique. Il s'intéresse plus particulièrement au domaine anglo-saxon et au thème du vampire.