« Imaginez un énorme cristal, haut de deux mètres, en forme de cône tronqué. Une gemme translucide, irisée, sur laquelle le rayon de notre torche se réverbérait en mille couleurs — allant de la pourpre au saphir, du riche indigo à la vivace émeraude, en passant par toutes les iridescences de rose et d’azur, de mauve, de pers et de blanc laiteux. La lumière réfractée par cette surface lisse projeta sur les murs noirs de la cave d’étranges reflets qui allumaient les arabesques de moisissure, emperlaient les toiles d’araignée et faisaient scintiller les paillettes des cuves. Cela formait un décor inattendu de paysages mouvants — palmiers d’or et cascades multicolores — un amas de joyaux de corsaires ou de fabuleuses constellations. […] Au cœur de la gemme se profilait une silhouette. Humaine. Oui, si fantastique que cela parût, elle était là, enclavée dans la matière translucide, comme le sont au creux de certaines résines pétrifiées des squelettes de plantes ou d’insectes du carbonifère… »
Dans cet extrait de « L’Opale entydre », l’une des cinq nouvelles des Ailes dans la nuit, Nathalie Henneberg montre qu’elle fut l’une des voix les plus originales du fantastique français des années 1950-1970. Un fantastique flamboyant qui fait la part belle à l’occulte et au folklore slave, avec pour toile de fond les « années furieuses », celles des deux conflits du XXe siècle.
Nathalie Henneberg, née en 1910 à Batoumi (actuelle Géorgie) et décédée en 1977 à Paris, est une auteure française de science-fiction. Jusqu'à la mort de son mari, Charles, en 1959, les romans ont été publiés sous l'unique nom de ce dernier alors qu'il semble que Nathalie en était de fait l'auteure principale. Après la mort de ce dernier, elle publie d'abord sous le double nom de Charles et Nathalie Henneberg, puis sous son nom seul.