Le fournil d’un boulanger, en Basse-Bretagne, à Morlaix, au cours d’un hiver de la fin du siècle dernier. Les artisans et les ouvriers qui s’y rassemblent apportent un sou pour acheter un pot de cidre et, pendant que le four chauffe et que le pain cuit, on dit des contes, on chante en breton.
Imaginons que nous soyons invités à l’une de ces veillées. Écoutons le garçon boulanger, François Thépault, venu de la petite paroisse de Botsorhel. C’est un conteur un peu fantasque, qui mêle de l’humour à ses récits et qui aime les contes à épisodes multiples. Représentatif d’une nouvelle manière de conter, il nous offre un témoignage unique sur la vraie culture populaire bretonne, la culture paysanne en train d’évoluer en s’implantant dans les villes.
Ce témoignage unique, nous le devons à Perrine, la jeune sœur de François-Marie Luzel, qui, en janvier 1890, profitant du passage de François Thépault chez un boulanger du bourg de Plouaret, l’a interrogé jour après jour, et nous a transmis son répertoire.
En rassemblant ce répertoire, épars en divers manuscrits, nous avons aussi voulu rendre hommage à cette femme obscure dont le travail a continuellement servi celui de son frère.
Né au manoir de Keramborn, François-Marie LUZEL se prend très tôt de passion pour le théâtre populaire joué depuis des siècles dans son Trégor natal. Ayant édité le 'mystère' de Sainte Tryphine et le roi Arthur, il obtient en 1864, grâce à l'intervention de Renan, une mission qui l'amène peu à peu à collecter l'essentiel du patrimoine de la littérature populaire bretonne, aussi bien dans le domaine du conte que du théâtre ou de la chanson : ainsi peut-il dire avoir fait pour la Bretagne ce que les frères Grimm ont fait pour l'Allemagne. Encore en bonne partie inédite, cette 'uvre d'une ampleur peu commune est à redécouvrir