Roman
Ce roman de l’Espagnol Miguel de Unamuno a connu un retentissement international dans les années vingt, grâce au grand « découvreur » français Valery Larbaud. Dans Brouillard, Unamuno invente un personnage à la Pirandello, Augusto Pérez, personnage médiocre et aboulique, trompé par une femme intéressée ; abandonné par elle, il se retournera contre son créateur, lui demandant des comptes, pour finir par se suicider, ce qui est la seule façon d’éprouver sa liberté. La vie quotidienne et provinciale, avec ses préjugés, donne une dimension extraordinaire aux propos d’Unamuno, dont le goût du paradoxe est une forme d’esprit fort et de révolte sociale. Véritable Dupont espagnol, précurseur, même, du Roquentin de Sartre — à défaut de Nausée, il vit dans le Brouillard —, Augusto Pérez est victime de l’auteur qui en a fait une marionnette et un être velléitaire à qui tout échappe, l’amour, la gloire et finalement la vie : « Qu’es-tu maintenant ? s’interrogeait le romancier en 1935 (dans la préface qu’il écrivit à la veille de la « guerre civile »). Qu’est devenue ta conscience ? Qu’advient-il de ce qui a été ? La conscience c’est le brouillard, c’est la légende, c’est la vie éternelle ».
Miguel de Unamuno a connu à l'âge de dix ans les bombardements de sa ville durant la guerre carliste, dont il a tiré son premier roman Paz en la guerra [" Paix dans la guerre "]. Professeur de grec à l'université de Salamanque, il en deviendra le recteur. Philosophe et penseur, socialiste et Basque de c'ur, il produit une 'uvre considérable de réflexion sur l'Espagne et la pensée européenne, dont le célèbre essai Essence de l'Espagne. Romancier original, issu du réalisme, il se tourne vers des formes nouvelles et donne, avec Brouillard, le paradigme du roman moderne. En 1936, il tiendra tête à la dictature en s'écriant, avant de succomber au désespoir : "Vous vaincrez, mais ne convaincrez pas".