Récit
Je fus souvent dans ma famille un sujet d’étonnement. Ça continue. Quand, cet été, ma mère m’interrogeait sur mes projets de livres, je lui fis l’aveu que j’aimerais écrire un ouvrage mystique qui pourrait s’appeler « Lettre à mes filles sur l’amour de Dieu ». La surprise passée, il y eut dans ses yeux une larme de joie.
Et ma hantise me poursuit. Le temps est venu de transmettre à mes filles un héritage secret. J’aimerais ouvrir mes portes. Raviver les lampes. Indiquer les points fixes sur l’obscurité de la mer. J’ai pris chez moi un vieux paroissien. J’y ai trouvé les prières que nous récitions naguère chaque soir, agenouillés autour de la table. Il en est d’admirables. Il m’a suffi de lire les premiers mots. Tout le reste est revenu sur mes lèvres. Toute cette tendresse dormait dans mon souvenir.
À présent, il va falloir me mettre au travail, tisonner ce feu intérieur, avec un mélange de détresse et de joie.
Je dirai tout. Je vais ouvrir le bief. Mes filles, pas trop de bruit. J’ai besoin de silence car l’inconnu me dévore…
Xavier Grall (1930-1981) a été le barde d’une Bretagne rêvée. Dans ses nombreux textes — il fut poète, essayiste, journaliste, romancier — il chantera toujours une vision unique et personnelle de son pays et de son peuple. Excessif et passionné, tendre et torturé, Xavier Grall est l’une des plus grandes plumes de la littérature bretonne de langue française.