Chroniques
« Au nez des touristes, je ferai l’éloge de la pluie. Ils avaient tout prévu, y compris des bottes, des suroîts, des casquettes. Ils déambulaient dans les rues de Concarneau et se prenaient pour des loups de mer. Au début, ils buvaient les averses comme on boit du petit-lait. C’était charmant… Ils poussaient même jusqu’aux caps restés sauvages. Ce plaisir dura vingt-quatre heures. Et puis, les mines s’allongèrent : la Bretagne ne se décidait pas à se mettre d’accord avec le calendrier estival. Ils allèrent prendre crêpes et bolées de cidre dans des tavernes folkloriques. Ils se remirent aux journaux de Paris. Ils tâtèrent du transistor. Il pleuvait toujours. Il pleuvait de plus en plus. On leur volait leurs vacances. Et ils se mirent à haïr ce ciel têtu, ces vents du sud mauvais fantaisistes. Et ces souffles de noroît qui jetaient la houle dans les criques et sur les plages. »
Xavier Grall a toujours souhaité parler de sa terre. Il a toujours voulu, après son retour en Bretagne, la raconter à tous ceux qu’il avait laissés dans les brouillards troubles de la capitale. Aussi, que ce soit dans La Vie ou, comme ici, dans Le Monde, ses chroniques étaient attendues par ses lecteurs. Il y traitait de tout, de rien ou de bien peu de chose, mais toujours de sujets qui en appelaient à sa plume, à son talent, à sa sensibilité : la pluie, le nucléaire, la chasse, les étourneaux ou ses amis.
Mais, toujours, il savait toucher nos âmes malmenées.
Xavier Grall (1930-1981) a été le barde d’une Bretagne rêvée. Dans ses nombreux textes — il fut poète, essayiste, journaliste, romancier — il chantera toujours une vision unique et personnelle de son pays et de son peuple. Excessif et passionné, tendre et torturé, Xavier Grall est l’une des plus grandes plumes de la littérature bretonne de langue française.